Sitôt que se lève l'aurore
Et que venait l'éclat du jour
Une clameur forte et sonore
S'élève de chaque faubourg
C'est la foule laborieuse
De nos modestes travailleurs
S'éparpillant en masse houleuse
Pour se rendre à ses durs labeurs
Où donc ça d'en va
Ce bon populo là
En simple toilette
Hommes, femmes, et fillettes
Descendant le boulevard
Joyeux et gaillards
Le teint éreinté
Mais le coeur en gaité
Où donc ça s'en va
Cette fourmilière là
Dans nos usines ils s'en vont
Faire la fortune de leur patron
Et ce vieux pomadin qui cause
A ce gentil petit trottin
Il lui raconte tant de choses
quelle monte dans son sapin
Il lui promet mont et merveilles
A condition bien entendu
Que contre des pendants d'oreilles
Elle cèdera sa vertu
Où donc ça s'en va
Cette innocence là
Petite vierge folle
Qui trouve un pactole
Pour quelques bijoux
Des chapeaux des dessous
Elle va débuter
Dans un fin souper
Ou donc ça s'en va
Ce petit oiseau là
Quand on lui donne ses ébats
Vite il s'envole et ne revient pas
Mais quel bruit trouble dans l'espace
Et fait retentir les échos
C'est un beau régiment qui passe
Musique en tête et sac au dos
Dans l'insouciance de leur âge
Nos petits pioupious vont tout joyeux
On les réclame sur leur passage
Mais on se dit l'air anxieux
Où donc ça s'en va
Tous ces soldats là
D'une allure fière
Et l'âme guerrière
Ils quittent leur champs
Pour grossir les rangs
Car il y a du chambard
A Madagascar
Où donc ça s'en va
Ces jeunes conscrits là
Ils vont se faire trouer la peau
Pour faire respecter le drapeau
Mais de pantin à Montparnasse
Où l'on va pour la dernière fois
Je me découvre lorsque passe
Le pauvre et luxueux convoi
Et quand celui d'un prolétaire
De quelques pas est précédé
Par l'un des plus puissants de la terre
Je dis en les voyant passer
Où donc ça s'en va
Ce pauvre corbillard là
Qu'à pas une couronne
Ni même une personne
Et puis celui là
Qu'a tant d'apparat
Et ces pleurs versés
Par les héritiers
Où donc ça s'en va
Ces deux défunts là
Ils vont au dernier lieu du repos
Où tous les hommes sont égaux
Lorsque le printemps se réveille
Ramenant oiseaux et chansons
Prés drapés, aube vermeille
Et des fleurs dans les buissons
Sur les grandes routes poudreuses
Où le dieu d'amour a passé
Les amoureux les amoureuses
Gaiement s'en vont d'un pas pressé
Où donc ça s'en va
Ces beaux couples là
L'amour sur la lèvre
Et le coeur en fièvre
Les yeux dans les yeux
L'air tout radieux
Ils cherchent un nid
Pour l'amour béni
Où donc ça s'en va
Tous ces amants là
Ils vont dans le fond d'un buisson
Penser à la repopulation.
Fin